Histoire de patrimoine : le Château d'Eyparsac

Publié le 1 août 2024 à 11:00

Niché au cœur de la campagne limousine, en dehors des circuits touristiques - et pour cause - le Château d'Eyparsac est une propriété privée, non ouverte au public. Il recèle pourtant, comme tout logis, de secrets. Il porte en lui la mémoire des hommes et des femmes qui l'ont habité, bâti, façonné, restauré.

"Quand les hommes se taisent, les pierres parlent encore".

L'observateur prenant le temps de le découvrir, est attiré par les indices cachés dans le bois et dans la pierre.

Au rez-de-chaussée, dans la salle dite des gardes, se trouve une cheminée en pierre, sur son linteau en bois, une pièce de bois d’assez grande taille est clouée à l’aide de gros clous forgés à la tête carrée. Témoin silencieux du passé, il y a été sculpté : deux blasons accolés surmontés chacun d’une couronne vicomtale. Celui de gauche : « de gueules au cerf d’argent au chef d’azur chargé de trois étoiles d’or » ; celui de droite, représente « deux étoiles en chef, un demi-vol au cœur et un croissant en pointe ». Ils nous révèlent des lignées familiales.

Ce dernier blason est observable en divers endroits du château : au-dessus de la porte d’entrée en bas d’une tour ronde et sur une plaque de cheminée mise en scène sous un porche. À la pointe de chaque blason, on distingue une croix dite à huit pointes. De part et d’autre des blasons, se trouve des branches de lauriers.

Sur le linteau lui-même, on trouve des inscriptions de part et d’autre des armoiries : « Lieutenant de la grande louveterie de France » et « Commensal de la Maison du Roi, né en 1746 », au-dessous, un cœur renversé est sculpté ainsi que la date de 1777. 

Dans une des façades de la bâtisse, d'autres indices captent notre attention. Des pierres de grès rouge comportent l’inscription suivante : « Louis Laubeillas d’Eyparsat, Lieutenant de la grande louveterie de France. » De toute évidence, cet homme en liant son nom aux pierres de l'édifice, voulait que l'on se souvienne de lui, de son passage sur terre.

Enfin les dates de 1777 et de 1807 apparaissent sur d’autres pierres à différents endroits.

Voilà de quoi aiguiser la curiosité des visiteurs, des propriétaires peut-être et une base de recherches pour établir une généalogie foncière.

Enquête

Les registres paroissiaux sont une première base indispensable à consulter. Il nous ouvre une première fenêtre sur le passé et nous permettent de retrouver Louis Lobeilhat. L’orthographe du patronyme varie de Laubeillas, Lobeillat, Lobeillac, mais l’homme est bel et bien seigneur d’Eyparsac, effectivement lieutenant de la Grande Louveterie de France, commensal de la Maison du Roi.

Dans la Maison du roi (nom donné par Louis XIV à la réunion des troupes de sa garde en une formation unique à partir de 1667) de France, le Grand louvetier est responsable de l'organisation de la chasse aux loups et aux sangliers. Attaché au roi, il a différents lieutenants dans les provinces, pour tenir sa place dans les chasses et battues. La fonction fut supprimée en 1787 et abolie avec la Révolution. 

Louis Lobeilhat, baptisé le 28 août 1746, est le sixième enfant de Pierre Lobeilhac (1689-1769), bourgeois et de demoiselle Marguerite Brachet (1702-1764). Le mariage de ses parents ayant lui-même été célébré, le 14 janvier 1737, deux jours avant le baptême et donc la naissance de sa sœur ainée Catherine, intervenus le 16 janvier de la même année !

Louis Lobeilhat épouse en première noce Marie Fleygnac (1745-1768) mais la jeune femme décède en septembre 1768, à l’âge de 23 ans, probablement en couche. Le jeune homme se remarie alors avec Marie LASSERE de Molière (1749-1801), probablement entre 1768 et 1771.

Marie Lasserre met au monde cinq enfants : Catherine (°1771 et X en 1791 avec Louis Dulac, homme de loi et procureur fiscal de la ville d’Eymoutiers en Haute-Vienne), Pierre (°1772 et X en 1797 avec Louise Touron), autre Pierre (1773-1779), François (1775-1776), Jeanne (°1778).


Le cadastre de 1813, fait apparaître le château (parcelle 501), à l'arrière duquel se trouve un étang (parcelle 502) qui permet le fonctionnement d'un moulin : le moulin d'Eyparsac, dont on trouve mention dans les registres BMS de 1692, en même temps que de la famille Brachet. Celle-ci compte parmi ses membres à la même date : Paul Brachet, sieur de la Siauve et Louis Brachet, seigneur de la Jalésie. On note également en 1664, le mariage de Dominique Brachet, écuyer, seigneur de la Jalésie avec Marie de Sanzillon, dame d'Eyparsac. 

Pierre Lobeilhat, le père de Louis étant natif d'un autre village, on peut raisonnablement penser que le patrimoine et donc le château provient de Marguerite Brachet. Nom de famille présent et attaché à Eyparsac dès 1692, et qu'il est probable que les terres d'Eyparsac soit attachées à la famille Brachet par le mariage de Marie de Sanzillon. 

Nous voilà là avec une première trame d'hypothèses de transmission patrimoniale, qui demande à être vérifiées par les actes notariés: acte de mariage, testament, inventaire après décès; mais déjà l'on constate l'importance des femmes dans cette transmission et l'importance de ne jamais les négliger en généalogie foncière comme familiale !

Le même cadastre nous indique que le village d'Eyparsac comptait alors encore, en 1813, quatre granges ovalaires typiques de la région, toutes disparues depuis dans ce hameau - et dont la dernière a servi d'église ! - mais témoins remarquables d'un savoir faire ! 

Armoiries :

Le blason de gauche (ci-dessus) représente les armes de la famille de la Serre, et l'on trouve effectivement parmi les parrains et marraines des enfants de Louis et Marie : Messire François de La Serre, seigneur de la Chapelle, chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis ou Dame Jeanne de la Serre de Lusson, tante maternelle.

Le blason de droite est selon toute vraisemblance celui de l'époux : Louis Lobeilhac d'Eyparsac.

Voilà pêle-mêle un début de recherches prometteuses, qui ouvrent déjà de nombreuses pistes d'explorations, une foule de renseignements à collecter, à analyser, trier ... Plus tard, viendra le travail de rédaction, de mise en forme des informations collectées, le choix des illustrations ... De quoi redonner vie au logis, le mettre en valeur, le comprendre ! 

 

Petit clin d'œil : Une des filles de Pierre et Marguerite Brachet : Catherine, épouse en 1767, sieur Pierre Buginie, seigneur du Chédal demeurant avec ses parents au lieu noble du Chédal près Ségur, paroisse de Saint-Eloy. L'histoire du "lieu noble du Chédal" est, quant à elle, à retrouver dans mon ouvrage Ségur intime, histoires mêlées de pierres et d'Hommes

 

 

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