Que fait une généalogiste en vacances ? Elle aime parcourir les cimetières si l'occasion lui en est donnée !

Ma passion pour les cimetières n'est pas nouvelle. Le premier qui m'ait interpellée, est un cimetière anglais lors d'un voyage scolaire en classe de 4ème, je fus subjuguée par les stèles de pierre dressées au milieu d'un tapis d'herbe d'un vert profond et d'arbres majestueux. Bien sûr, il n'était pas au programme de le visiter, je me suis contentée de cette vision fugace mais restée vivace dans ma mémoire ! J'aime particulièrement ces cimetières enherbés, un brin sauvageon où les fleurs poussent en toute liberté, où les arbres et arbustes ont droit de cité ! Quelle tristesse, ces étendues minérales qui n'offrent comme seuls reliefs les caveaux normalisés en marbre, alignés, au milieu de gravillons glysophatés !
Sète compte deux cimetières de part et d'autre de "l'île singulière".
Le premier, le cimetière Le Py, ouvert en 1877, était destiné, à l'origine, aux indigents et comporte à ce titre, de nombreuses fosses communes. C'est dans l'une de ses allées, bordées de cyprès, au bord de l'étang de Thau, que Georges Brassens repose depuis le 31 octobre 1981. Sa tombe est toute simple, familiale, son sourire l'illumine.
Le second connu jusqu'en 1946 sous le nom de cimetière Saint-Charles, prend le vocable de cimetière marin en 1945, en hommage au plus célèbre poème de l'écrivain et poète Paul Valéry. Progressivement, attirant les notables de la ville, il est surnommé le cimetière "des riches", par opposition au premier qui est dit le cimetière "des pauvres".
Pourtant, construit en 1680, il avait pour vocation première, d'accueillir les corps des ouvriers employés à l'édification du môle Saint-Louis (chaussée empierrée longue de 650 mètres qui protège le port de Sète et au bout de laquelle se dresse le phare du même nom d'une hauteur de 33,50 mètres) et morts pendant les travaux.
Au bas du flanc sud-est du Mont Saint-Clair, se sont aujourd'hui, 4.000 sépultures qui s'étagent face au Golfe du Lion, et à ses eaux turquoises. On compte parmi celles-ci un certain nombre de personnes plus ou moins célèbres parmi lesquelles Paul Valéry (1871-1945) ; Jean Vilar (1912-1971), directeur de théâtre, metteur en scène, comédien, créateur du Festival d'Avignon mais aussi : Paul Blanc, consul de France à La Canée, en Crète ; Vincent Cianni, champion de joutes languedociennes ; Henri Colpi, cinéaste, palme d’Or au Festival de Cannes 1961 ; Honoré Euzet, maire de Sète pendant plus de 22 ans ; Pierre François, peintre ; Emmanuel Gambardella, président de la Fédération française de football ; Charles Lemaresquier, architecte, membre de l’Institut de France ; Hilaire Reynaud, général de brigade, baron de l’Empire qui s'est "illustré" lors de la Campagne d'Espagne ; Louis Reynaud, député de l’Hérault ; Mario Roustan, ministre de la Marine marchande, de l’Hygiène et de l’Instruction publique ; Maurice-Élie Sarthou, peintre …
"Ô récompense après une pensée
Qu'un long regard sur le calme des dieux ! "
Ce ne sont pourtant pas ces tombes qui ont attiré mon attention. Bien que très minéral, le cimetière marin de Sète est un lieu époustouflant, gardien incroyable de Mémoires. Il y a la vue, d'abord, panorama merveilleux. Il serait fort dommage de ne pas en profiter de son vivant ! Il y a, ensuite, la multitude des tombes et leur originalité propre, avec leurs sculptures, leurs œuvres d'art, leurs mises en scènes, bien loin des "marbres" modernes, lisses et froids, identiques du nord au sud, de l'est à l'ouest de la France. Le tombeau de la jeune Marie-Rose, décédée à 16 ans en 1919, est de toute beauté. Il y a, aussi, ces portraits… Les récents comme celui de la petite Jade, et les plus anciens du XIXe siècle, révélateurs de leur époque, couleur sépia. On devine une moustache, un nœud papillon, une paire de lunettes mais les traits du visage se sont évanouis, fanés par les rayons du soleil ! Il y a ceux de Jules et de son épouse, magnifiquement préservés, bénéficiant de l'ombre d'un pin ; celui de ce fils, âgé d'une vingtaine d'années, que l'on devine fils unique et le chagrin incommensurable de ses parents qui l'ont rejoint et l'encadrent à présent pour l'éternité dans la tombe premièrement érigée pour lui seul; celui de ces trois sœurs immortalisées au cœur de leur adolescence, et dont la plus jeune prénommée Elise est décédée, à l'âge de 106 ans !
Enfin, il y a aussi ces particularités propres : une guirlande de petits cailloux sur le bord d'une tombe : est-elle la fantaisie d'un enfant ou marque-t-elle le nombre de visites reçues par le défunt ? Sète orthographié "Cette" sur certaines stèles, l'identité des défunts femmes et surtout hommes accompagnée de la mention épouse ou époux suivie du nom de leur époux ou de leur épouse ! Ce caveau aérien pensé comme un salon : fenêtre ouverte sur la mer, fauteuils, table basse accueillant un bouquet de roses blanches, petits souvenirs… et olivier gardant le tout.
Le cimetière marin de Sète est un musée à ciel ouvert, mais tout cimetière regorge de petits trésors pour celui qui prend le temps d'observer, de contempler …

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